Une délégation malaisienne est à Paris cette semaine pour défendre les vertus de la très controversée huile de palme, et tenter d’obtenir l’abandon définitif du projet de taxe française sur ce produit décrié, mais que le ministre malaisien des Plantations présente comme “durable” et “bon pour la santé”.
“J’ai confiance que les députés français ne passeront pas un texte aussi injuste pour l’huile de palme” (…), “cela affecterait vraiment les bonnes relations entre la Malaisie et la France”, a déclaré à l’AFP le ministre, Mah Siew Keong, peu après une rencontre avec la secrétaire d’Etat à la biodiversité, Barbara Pompili.
“L’huile de palme est une bonne huile, saine”, qui ne contient “pas d’OGM” et les études scientifiques lui accordent “les mêmes propriétés que l’huile d’olive” en matière de cholesterol notamment, a affirmé le ministre, qui vient en Europe pour la première fois.
Concernant l’environnement, il a fait valoir que 40% de la production malaisienne vient de petits producteurs, et que 20% est cultivée selon des méthodes certifiées “durables”.
“Soit suffisamment pour toute l’Europe”, relève le président du conseil malaisien de l’huile de palme, Yusof Basiron, qui accompagne le ministre.
L’huile de palme, première exportation de la Malaisie, est vitale pour l’économie du pays, avec “plus d’un million de personnes” qui travaillent dans la filière et 300.000 producteurs, a ajouté le ministre. Le pays est le deuxième exportateur mondial derrière l’Indonésie.
Face aux accusations des ONG, il s’est défendu d’aggraver la déforestation. “Nous cherchons à avoir une meilleure productivité plutôt qu’à agrandir les surfaces”, a-t-il assuré.
– La première plantation était française –
Selon lui, la France, qui a importé 215.000 tonnes d’huile de palme en 2015, essentiellement pour l’industrie agro-alimentaire, est à “l’avant-pointe” d’une “publicité négative” et “injuste”.
La Malaisie ne veut pas être jugée responsable des problèmes de santé des Français. M. Yusof les renvoie à leur goût immodéré pour les produits laitiers.
“Les Français veulent éviter les acides gras saturés, mais leur consommation est de 30 kilos par an et par personne, venant du beurre, du lait, du fromage et d’autres huiles, alors que la consommation d’huile de palme est de moins de 2 kilos par an et par personne”, avance-t-il. “Donc nous ne pouvons pas être jugés responsables d’être la source des graisses saturées” dans le régime alimentaire des Français, plaide M. Mah.
Recourant à un argument plus sentimental, le ministre a souligné que la première plantation en Malaisie a été créée par un Français, il y a presque 100 ans: l’écrivain charentais Henri Fauconnier, lauréat du prix Goncourt en 1930 pour son roman “Malaisie”.
“En fait, nous remercions la France car l’huile de palme produite depuis 1917 en Malaisie a beaucoup fait pour sortir les agriculteurs de la pauvreté au cours du siècle passé”, a-t-il déclaré.
Une taxation de l’huile de palme – au même niveau que l’huile d’olive – était prévue au départ dans le projet de loi biodiversité voté le 20 juillet au Parlement, et défendu par Barbara Pompili.
Finalement, le projet, surnommé “taxe Nutella”, n’a pas vu le jour. Selon Mme Pompili, c’est l’Indonésie, premier producteur mondial, qui a mis “une pression d’enfer” sur Paris pour obtenir le retrait de la mesure, agitant le spectre de représailles commerciales. Le député Nicolas Dhuicq évoque aussi des menaces de “rétorsions économiques, notamment sur des achats d’Airbus et de satellites”.
La Malaisie voudrait être sûre que le projet ne reviendra plus. “C’est la quatrième année que les parlementaires français tentent d’introduire” une telle taxe, fait-on remarquer dans l’entourage du ministre. De quoi justifier le voyage à Paris.
Mais Kuala Lumpur aura fort à faire pour convaincre les Français.
Selon une étude de TNS Sofres, présentée mardi avant le SIAL, plus grand salon agroalimentaire du monde qui se tiendra en octobre près de Paris, les consommateurs sont de plus en plus demandeurs de “signes distinctifs de qualité”, et sont 56% à se dire”intéressés” par la mention “sans huile de palme” sur les emballages, contre 50% en 2012.
Le Parisien