Huile de palme : s’en débarrasser complètement ? Irréalisable et contre-productif

3 February 2015

L’huile de palme peut-elle être durable ? Il y a une dizaine de jours, Laurence Duthu, présidente de l’association L’Huile de palme : NON !, dénonçait sur Le Plus ce qu’elle qualifiait d’écran de fumée pour berner le consommateur. Danielle Morley, directrice de la communication de RSPO, qui défend une huile de palme durable, a souhaité lui répondre ici.

S’il y a bien une chose que vous savez sur l’huile de palme, c’est probablement que sa production porte atteinte à l’environnement et affecte les communautés locales (déforestation, destruction des habitats naturels et de la diversité, appropriation illicite de terres, incendies de forêts). Et ce ne sont que quelques-unes des accusations dont l’huile de palme fait l’objet.

Alors, pourquoi ne nous débarrassons-nous pas tout simplement de cette huile ? Plus d’huile de palme = plus de problèmes ? C’est ce dont la présidente de l’association L’huile de palme : NON !, Laurence Duthu, essaie de nous convaincre dans sa tribune récemment parue sur Le Plus de l’Obs.

Cela semble être, en effet, une solution évidente aux problèmes causés par la production d’huile de palme. Cependant, ce qui peut paraître indiscutable à première vue, est irréalisable si on approfondit la question, et peut même provoquer l’effet inverse de l’objectif recherché.

Une autre huile impacterait aussi l’environnement

La demande mondiale pour les huiles comestibles devrait augmenter de façon significative dans les prochaines décennies, parallèlement à la croissance de la population mondiale et à l’expansion des pays en voie de développement. D’après les prédictions de certains analystes, cette dernière devrait doubler d’ici 2050.

Ainsi, si on élimine l’huile de palme de la production alimentaire en Europe, la demande pour les autres huiles végétales devrait fortement augmenter. Cependant, la production d’autres plantes oléagineuses portera-t-elle moins atteinte à l’environnement ?

Le palmier à huile détient de loin les rendements les plus élevés de toutes les plantes oléagineuses. La production d’une même quantité d’huile de soja, de colza, de noix de coco ou de tournesol nécessiterait quatre à dix fois plus de terres, ce qui encouragerait encore davantage la déforestation et accentuerait les impacts négatifs sur l’environnement et les populations locales.

Des règles strictes pour obtenir la certification “durable”

C’est pourquoi, les ONG comme Greenpeace et WWF ne disent pas que le problème provient de l’huile de palme elle-même, mais bien de la façon dont elle est produite. La solution serait de ne produire, exporter, vendre et consommer plus que de l’huile de palme durable, dont la durabilité serait certifiée selon les normes internationales développées par la RSPO (Roundtable on sustainable palm oil ou Table ronde pour une huile de palme durable).

La RSPO a été créée il y a dix ans par une coalition d’acteurs du secteur de l’huile de palme, qui comprend entre autres des ONG actives dans le domaine des droits de l’Homme et de l’environnement.

Ces membres fondateurs ont créé une série de règles internationales (les “Principles & Criteria”), qui permettent de certifier les plantations de palmiers à huile comme étant “durables”. Ces règles, qui doivent être respectées par tous les membres de la RSPO, interdisent la destruction de forêts primaires et obligent les membres à adopter de bonnes pratiques agricoles, à traiter équitablement les travailleurs et les communautés locales, à respecter les droits de l’Homme, à acquérir leurs terres de manière légale, et à protéger la biodiversité et la qualité des sols.

Bien que ce soient les membres fondateurs de la RSPO qui aient créé ce cadre de règles pour certifier la durabilité de l’huile de palme, ce n’est pas la RSPO elle-même qui veille au respect de celles-ci.

Pour obtenir la certification RSPO, une plantation doit avoir fait l’objet d’un audit détaillé par une tierce partie, plus précisément par un organisme de certification agréé et indépendant. Cet audit a lieu annuellement et tous les résultats sont publiés, ce qui permet d’assurer que la certification RSPO est cohérente, impartiale et transparente.

Et, le simple fait d’être membre de la RSPO ne permet pas à une entreprise de clamer qu’elle produit ou utilise de l’huile de palme durable. Les membres doivent ensuite obtenir une certification et atteindre l’objectif de 100% d’huile de palme certifiée durable (ou CSPO pour “Certified sustainable palm oil”) dans les activités commerciales. Pour les producteurs, cela signifie faire certifier toutes leurs plantations.

On compare les engagements et la réalité sur le terrain 

La transparence est un point essentiel à nos yeux. Tout d’abord, nous avons très bien accueilli l’adoption des nouvelles règles européennes en matière d’étiquetage des huiles végétales qui apportent plus de clarté pour les consommateurs. De même, tous les membres doivent chaque année faire un rapport sur les progrès accomplis (ceux-ci sont publiés sur le site). Enfin, chaque membre doit publier la cartographie de ses plantations, ce qui permet de faire la comparaison entre les engagements environnementaux pris et la réalité sur le terrain, grâce à l’outil en ligne Global Forest Watch.

La RSPO encourage ses membres à évoluer le plus rapidement possible vers l’huile de palme CSPO et ségrégée (c’est-à-dire physiquement séparée des huiles d’autres filières). Beaucoup d’entreprises se sont engagées à atteindre cet objectif avant la fin 2015.

Toutefois, la logistique de la chaîne d’approvisionnement est très complexe, et organiser la livraison d’huile certifiée en quantité suffisante prend du temps. Entre-temps, les membres peuvent effectivement utiliser des certificats GreenPalm, qui permettent de financer la production d’huile de palme certifiée durable, en attendant la création d’une chaîne d’approvisionnement ségrégée.

Bannir l’huile de palme durable n’est pas une solution 

Malheureusement, la RSPO reconnaît que certains de ses membres se sont rendus coupables de négligences et d’infractions. C’est un véritable problème contre lequel la RSPO tente de lutter en instituant un tribunal des plaintes que tous peuvent saisir. Les membres qui continueraient à enfreindre les règles, pourraient alors faire l’objet d’une expulsion.

Les règles de la RSPO restent les seuls standards qui sont appliqués à l’échelle globale, convenus par les parties prenantes elles-mêmes et qui font l’objet d’une vérification indépendante.

Bannir les produits à base d’huile de palme certifiée durable reviendrait à abandonner un projet qui porte ses fruits. Cela n’aiderait pas non plus à la protection de l’environnement, car il faudrait alors se tourner vers un autre type d’huile végétale qui a un rendement moins élevé et qui, surtout, nécessite plus de terres pour sa production.

Actuellement, 18% de l’huile de palme produite mondialement est désormais certifiée durable. Et nous n’allons pas nous arrêter en si bon chemin ! Notre ambition est de faire évoluer toute l’industrie vers un avenir durable.

L’Obs avec Le Plus, Danielle Morley

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